DUALITÈ
Laisse couler sur moi tes longs cheveux épars :
Tu ne peux refuser, au moment où je pars,
Un peu de leur parfum, un peu de leur caresse...
Amour ! Tu le vois bien, mon cœur est en détresse
C'est un bateau qui vient de briser ses espars;
Des loques, voile et foc, sans mât qui les redresse.
La nef fait eau de toutes parts.
Taisons-nous ! Car les mots ne sont que l'accessoire,
Et ce qu'ils veulent dire un discours dérisoire.
Homme ! Que sont argent, ambition, remords
Devant l'éternité du royaume des morts?
Tout, mastodonte énorme ou minime infusoire-
Naît, court sa vie et meurt, esclave de ce mors
Dont le sort bride sa mâchoire.
Offre-moi le nectar du puits de tes grands yeux,
Où j'ai trouvé mon ciel parmi tant d’autres cieux,
Et cette griserie, à nulle autre pareille,
Qui me laissait vaincu... Chérie ! A quelle treille
Cueillais-tu le raisin de ce vin captieux
Qui m'épuise et m'endort, et plus fort me réveille
Comme le chantaient nos aïeux.
Pas de larmes, surtout ! Comédie insipide !
De quel côté du Styx l'air est-il plus limpide?
Que sont nos quelques pas au terrestre chemin
Face à tout ce parcours qui nous attend demain ?
Y serons-nous troupeau passif, veule et stupide,
Ennemis divisés ou frères ? Notre main,
Généreuse ? Ou dure et cupide ?
Que ruissellent sur moi tes longs cheveux épars!
Laisse-moi respirer, au moment où je pars,
Leur parfum, opium qui m'ouvrit la frontière
D'un jardin merveilleux où j'ai, ma vie entière,
Cueilli de ton amour la meilleure des parts :
Contre marées et vents, le plus sûr des remparts,
Et de mon toit poutre faîtière.
Ne me laisse pas seul, au moment où je pars
Maurice Puel