L'Escargot

Dès que la rosée du jardin
Se donne des airs de pleureuse,
Quand la pluie se fait généreuse,
Et lorsque fument les andains,

Alors,

Lentement, sortant de la cache
Où l’hiver l’avait enfermé,
Cornu, bossu, ventru, lippu,
L’escargot commence sa tâche
De pisteur et de fin gourmet.

D’abord,

Des semis, il fait l’inventaire,
Sélectionnant les jeunes plants,
Puis, de ses quatre yeux, il repère
Les pousses de dahlia sortant.

Puis,

Ce fabuleux gastéropode
Dont le gigantesque appétit
Saccage petit à petit
Tout végétal qu’il inféode
Sous sa vorace tyrannie,
Bossu, ventru, cornu, lippu,
S’appareille et se multiplie.

Mais,

Est-il Un ? Ou bien est-il Une ?
Bien malin est celui qui sait !
C’est, selon sa bonne fortune,
Ou selon qu’il en est lassé,
Bossu, cornu, lippu, ventru,
Qu’Il, devient, Elle, ou Elle, Lui,
Sans que cela cause d’ennui !

Car,

En amour, qu’est-ce que ça peut faire,
Si l’on naît indéterminé ?
Yin et yang sont complémentaires
Pour former la même unité.

Aussi,

Va, va, mon bel hermaphrodite,
Trace ta piste de satin,
Cisaille, dévore, ingurgite,
Cornu, bossu, lippu, ventru,
Va, puisque tel est ton destin.
Moi... je rentre dans ma coquille,
Qui ne suis que garçon ...ou fille !

Michèle Puel Benoit