Programme
Ballade à la lune: Alfred de Musset
Les premiers voyageurs lunaires
Naissance de la lune: Conte Maya
Pourquoi le jour, pourquoi la nuit ? Conte Malaisien
Origine des éclipses. Conte Birman
Les facéties de la lune: Contes Languedociens
Janet lo pesca luna
Comment la lune vint à Saint Maurice
Les sortilèges de la lune: Contes régionaux
Les lavandières de la pleine lune conte breton
Renaud Renard conte lorrain
Quelques maximes sur la lune
Ballade à la lune de Musset
C’était dans la nuit brune
Sur le clocher jauni,
La lune,
Comme un point sur un i !
Lune quel esprit sombre
Promène au bout d’un fil,
Dans l’ombre,
Ta face et ton profil ?
Es-tu l’oeil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard
Te lorgne
Sous ton masque blafard ?
N’es-tu rien qu’une boule
Qu’un grand faucheux bien gras
Qui roule
Sans pattes et sans bras ?
Es-tu, je t’en soupçonne,
Le vieux quadrant de fer
Qui sonne
Aux damnés de l’enfer ?
Qui t’avais éborgnée
L’autre nuit ? T’étais-tu
Cognée
A quelque arbre pointu ?
Car tu vins, pâle et morne
Coller sur mes carreaux
Ta corne
A travers les barreaux....
Lune, en notre mémoire,
De tes belles amours
L’histoire
T’embellira toujours.
Et toujours rajeunie,
Tu seras du passant
Bénie,
Pleine lune ou croissant.
T’aimera le vieux pâtre,
Seul, tandis qu’à ton front
D’albâtre
Ses dogues aboieront.
T’aimera le pilote
Dans son grand bâtiment,
Qui flotte,
Sous le clair firmament !
Et qu’il vent ou qu’il neige
Moi-même, chaque soir,
Que fais-je,
Venant ici m’asseoir ?
Je viens voir à la brune,
Sur le clocher jauni,
La lune,
Comme un point sur un i !
Introduction
Quel meilleur moment de l’année que les nuits du mois de juillet pour parler de l’astre lunaire !
Quel meilleur moment de ce mois que la nuit de la pleine lune !
Quelle meilleure année que celle-ci puisque il y aura tout juste quarante ans, à quelques jours prés, le vingt et un juillet 2009, qu’un homme pour la première fois a marché sur la Lune.
Cette prouesse est cependant à relativiser, car, en littérature c’est dix huit siècles avant que l’homme a foulé le sol lunaire et pour atteindre ce satellite de la terre dès l’antiquité les auteurs n’ont pas manqué d’imagination !
Les premiers voyageurs lunaires
Le premier à avoir imaginé un voyageur lunaire fut un auteur grec de II° siècle Lucien de Samosate :
dans son ouvrage Histoire vraie :
Le bateau de son héros est pris dans une tempête, enlevé par une longue bourrasque qui l’empêche
de redescendre sur l’eau et qui le mène droit sur une grande terre brillante, la lune. Là, il fait
connaissance de ses habitants, les sélénites, et de leur roi Endymion , l’éternel amoureux de la lune ;
ces habitants ont des moeurs très étranges : ce sont les hommes et non les femmes qui perpétuent l’espèce
et ils portent leurs enfants dans le mollet, les gens ne meurent pas mais s’évaporent en fumée. Leur passe
temps favori est de regarder la Terre et ses habitants et de rire de leurs us et coutumes.
Le second de nos voyageurs extra terrestre est l’italien Ludivico Ariosto dit l’Arioste qui
dans son Roland furieux, fait s’enfuir son héros sur la lune pour échapper à des poursuivants
que sa conduite déraisonnable choque : pensez donc il en arrive à se promener tout nu !
Le voyage s’effectue dans un char tiré par quatre chevaux rouges. Là il découvre une vallée
emplie de tous ce que les hommes perdent sur terre : leur réputation, leurs prières, leurs larmes,
leurs soupirs amoureux, leur temps, leurs projets leurs désirs, etc... Sur cet astre Roland retrouvera
le bon sens qu’il avait perdu.
Le troisième voyageur de l’histoire, utilisera le songe comme moyen de transport. Il s’agit de Johannes Kepler( 1571-1630 ),
l’astronome allemand qui pense comme Galilée que Terre et les planètes tournent autour du soleil en formant une ellipse.
Contrairement à ce que soutient l’Eglise : notre Terre est le centre du monde. Il écrit à la fin de sa vie un livre
intitulé le Songe ( publié quatre ans après sa mort ) qui raconte un voyage imaginé et rêvé sur la lune.
L’auteur rêve qu’il lit un livre d’un certain Duracotus qui dit avoir rencontré un esprit, un génie, qui
lui a raconté son voyage sur la lune. Pour ce dernier le moyen de transport est facile il se déplace comme
il veut. Il se pose donc sur la lune et nous décrit le système solaire en prenant de la hauteur et en échappant
aux esprits terrestres bornés. Il parle ensuite du mouvement des planètes, nous apprend que tout ce qui vit sur
la lune est d’une taille gigantesque croît très vite mais meurt très tôt car le jour lunaire est plus court que
le jour terrestre. Quand aux habitants ils sont aussi bornés que les terriens puisqu’ils sont persuadés que leur
planète est immobile.
Le quatrième moyen imaginé sera la Machine volante !
dans ''l’Homme dans la lune'' de Francis Godwin (1638). Il fait fabriquer à son héros un appareil
mu par des cygnes extraordinaires qui vont l’emporter sur la lune. Son voyage durera douze
jours ce qui lui permettra de voir ses douze révolutions. La lune a un climat idéal,
ses habitants ignorent le vice et parlent une langue mélodieuse. Les rares qui ne pratiquent
pas naturellement la vertu sont envoyés ... sur la Terre.
Enfin l’auteur que vous attendez tous, célèbre pour son ouvrage Les Etats et Empires de la Lune
ainsi que pour son grand nez : Cyrano Savinien Hercule de Bergerac. Esprit libertin, épris de science et de liberté
il n’aura de cesse d’inventer toute sortes de moyens pour atteindre cet astre dans lequel il en est sûr la vie est
meilleure .
Il tentera de s’élever grâce à des fioles remplie de rosée qui à la chaleur du soleil s’évaporent. Echec !
Il fabrique ensuite un engin avec lequel il s’élance du haut d’un rocher. La chute lui laissera force équinoxes.
Cette machine diabolique excitera pourtant des soldats qui y mettront le feu à l’aide de petites fusées remplies
de poudre à canon, voulant empêcher ce désastre, il s’accroche au bras d’un soldat pour lui arracher la flamme,
trop tard les fusées explosent il a tout juste le temps de sauter dans la machine avant d’être propulsé dans les airs.
On n’a pas inventé mieux depuis pour aller dans l’espace ! Sa machine l’abandonnera mais lui continue sur sa lancée
et alunit sur la lune dans un pommier.
Le lieu est magnifique, magique, tranquille heureux : le pa-ra-dis !. Il a faim, il croque une pomme du pommier et
c’est la nuit : quand il se réveille le paysage lui est inconnu. il rencontre alors des bêtes hommes immenses qui
l’emportent à la ville. Tout le monde y marche à quatre pattes. Par malheur pour lui on lui trouve une ressemblance
avec l’animal familier de la reine. On le dresse à faire des tours et on l’exhibe. Après bien des mésaventures
il se fait reconnaître comme humain et peut à loisir étudier les moeurs de ses hôtes.
Ici ce sont les parents qui doivent obéissance aux enfants car on croit que la force de la pensée et du jugement
leur appartient.
On respecte la nature car elle est pensante.
Les habitants ont des livres brillants qu’ils écoutent à l’oreille.
Ils n’enterrent pas leurs morts mais les brûlent afin que leur fumée s’élève à l’infini.
Pour eux pas d’immortalité de l’âme : notre âme est corporelle comme celle des animaux et disparaît avec le corps.
La Vie est en fait leur seul et unique Dieu !
Mais Cyrano se languissant de la terre s’y fait transporter par un génie et commence la rédaction de ses mémoires
pour faire part des merveilles qu’il a vues.
Au XIX° siècle Jules Verne dans De la Terre à la Lune et Autour de la Lune Envoie ses trois héros dans un obus habité
qui se placera en orbite autour de la lune.
Au XX° siècle avec les progrès de la science si l’on sait que l’on peut aller sur la lune on sait qu’elle est inhabitée
sauf si comme Welles dans Les premiers hommes dans la lune on fait vivre les sélénites sous la surface, donc invisibles
pour nos télescopes.
Le cinéma et la littérature de science fiction vont s’emparer du sujet avant que la science le 21 Juillet 1969 ne nous
face suivre en direct à la télévision au premier pas de l’homme sur la lune.
Mais revenons un peu à notre lune.
La lune donc, est un satellite qui décrit autour de la planète Terre une ellipse
avec une périodicité de 29 jours 12heures et 44 minutes. Son diamètre moyen.. ;
Comment ? Ce n’est pas un exposé scientifique que vous attendez de moi ?
Et pourtant !
Qu’elle se présente à notre observation toute ronde, en croissant , ou pas du tout, il est prouvé
que la lune a depuis toujours un effet notable sur la pousse des légumes et des cheveux,
est à l’origine des marées de nos océans , d’ accouchements prématurés et de crises de folie.
De plus, il est de notoriété publique qu’elle in fluence notre humeur. Ne dit-on pas
qu’on est bien ou mal luné.
Mais comment nous a-t-elle été donnée cette lune ? ]
C’est ce que nous allons voir à travers ces contes du monde entier
Naissance de la lune
Conte mexicain d’après un conte maya
IL est dit que les dieux, lorsqu’ils décidèrent du juste ordonnancement des choses, oublièrent dans leurs plans une petite lagune sur le flanc d’une montagne. La lagune était perdue, toute seule, et rétrécissait de jour en jour à force de pleurer son eau. La Ceiba Madre, la mère de tous les grands arbres celba de la forêt, aperçut la lagune. Elle sentit son coeur se serrer de la voir si triste, et elle décida de la prendre sur sa tête, dans ses branches, pour la faire voyager. La Ceiba Madre marchait lentement et bien droit pour ne pas la faire tomber, comme marchent aujourd’hui les femmes qui ramènent l’eau de la source dans de grands pots de terre.
Mais le vent, apercevant la lagune, se mit à lui murmurer des mots doux, li lui en dit tant et tant qu’elle voulut s’enfuir avec lui. Alors il fit un cheval de nuages et l’emmena. A chaque fois qu’ils passaient au-dessus d’un lac, la lagune s’y mirait et arrangeait ses cheveux liquides. Le vent, quant è lui, finit par se lasser de cette lagune qui ne voulait que voyager et se refusait à faire l’amour. Il cabra le cheval de nuages, faisant basculer la lagune qui se mit à tomber, tomber, tomber...
Sept étoiles qui passaient par là la rattrapèrent, la saisissant chacune à un bout comme on tend un drap. La
lagune avait eu si peur qu’elle était toute pâle. Mais malgré toutes ces aventures, elle ne voulait pas redescendre
sur terre, et les étoiles l’emmenèrent à leur tour.
Cependant, au bout d’un certain temps, la lagune se remit à pleurer parce qu’elle s’ennuyait à toujours parcourir le même chemin.
Les dieux l’entendirent et se mirent en colère contre cette petite lagune qui n’était jamais contente de son sort, Ils la condamnèrent à devenir la lune, devant se mirer sans fin dans le grand trou de la terre, le puits où les dieux gardent la lumière pour que les étoiles s’y abreuvent Et quand la lune passe devant un lac, le miroir se reflète dans le miroir.
La Ceiba Madre fut punie elle aussi condamnée à soutenir le monde sans possibilité de marcher ni même
de bouger, de peur qu’il ne s’effondre.
Et ainsi, quand la lune croise une lagune, elle arrange ses cheveux comme font les femmes qui passent
devant un miroir. Car chaque femme a reçu des dieux un petit morceau de lune, pour qu’il ne lui prenne pas envie
de se faire promeneuse et de monter au ciel.
Pourquoi le jour, pourquoi la nuit ?
Les sages de Malaisie
Il y a toujours eu beaucoup, beaucoup, beaucoup d’étoiles, à un point tel que personne n’a jamais su les compter.
Et pourtant, jadis, il y en avait encore plus. A peu près le double, car à côté des étoiles, filles de la Lune, il y avait aussi les étoiles, filles du Soleil.
Elles brillaient toutes en permanence! Vous vous rendez-vous compte de cette fantastique illumination !!! Spectacle grandiose, certes, mais combien dangereux pour les habitants de la terre. Cette fabuleuse clarté les aveuglait et les empêchait de dormir. C’était un cercle vicieux: chacun s’épuisait à chercher le sommeil et, plus on était fatigué, moins on pouvait dormir!
Et, je ne vous parle pas de la chaleur!
“C’est terrible... .se lamentait le Soleil tous les habitants de cette pauvre terre doivent nous maudire” “Mais non, mais non, assurait La Lune, ils ont trop besoin de nous !“
En réalité, sa grande crainte était de voir le Soleil s’éteindre pour sauver sa chère planète, en l’entraînant, elle , la Lune, dans son sacrifice
“Il suffirait de baisser un peu la lumière du ciel songea la Lune”
Cette petite phrase anodine et pleine de bons sens, la Lune l’avait susurrée, très faiblement, mais quand même assez fort pour que le Soleil entende.
“Oui, répondit-il, il faudrait baisser la lumière de temps en temps, car bientôt nous n’aurons plus à éclairer et à chauffer !“
Tous les deux avaient pleinement conscience des risques mais que faire? Le problème était ardu. La Lune avait une solution et préférait en discuter avec le Soleil, hors de la présence des étoiles. D’un commun accord, aux grands maux, les grands remèdes!
C’est ainsi que les 2 astres décidèrent de supprimer purement et simplement du ciel, les étoiles.
le Soleil était pour la méthode douce, la Lune pour une méthode radicale et ne s’encombrait pas de sentiments ; Qui l’eût cru!
A entendre la Lune, le plus simple était d’avaler les étoiles, chacun les siennes pour plus d’équité et le plus tôt possible serait le mieux.
Incroyable cette indifférence de la Lune.
Voyant que le Soleil hésitait encore, elle décida de montrer l’exemple: poursuivant les étoiles à travers la Galaxie, la Lune les fit disparaître les unes après les autres jusqu’à la dernière.
Le ciel était à moitié vide quand le Soleil, fidèle à la parole donnée engloutit à son tour ses propres étoiles.
Sa pénible besogne achevée, il partit se coucher, d’une humeur aussi sombre et désolée que le nouvel univers qui l’entourait. En vain se répétait-il que ce ciel sinistre sans étoile, ne gênerait plus personne.
Quel horrible cauchemar, le Soleil se reveilla, en sursaut, en pleine nuit... étoilée I!!
Stupéfaction, elles étaient revenues à leur place.
Comme avant??
hélas non, seulement les étoiles de la Lune. Le Soleil comprit qu’il avait été dupé, berné comme un gamin et que jamais la Lune n’avait eu l’intention de dévorer ses propres étoiles. Elle s’était contentée de les dissimuler derrière sa face cachée, pendant tout le temps que le Soleil commette l’irréparable
. La traîtresse! Elle ne s’en tirerait pas à si bon compte!
Fou de rage et de douleur, te Soleil se précipita vers la Lune qui prit prudemment le large.
La course des deux astres avait commencé, elle ne s’arrêterait plus.... Jour, nuit.... jour, nuit
la Lune ne faiblit pas, mais le Soleil ne renonce pas Il n’aura de cesse de la rattraper pour la dévorer comme elle l’avait forcé à dévorer les étoiles mais la Lune fuira à jamais devant lui, sans trêve ni repos
De temps en temps, le Soleil réussit à la serrer d’assez près pour attraper un quartier et le croquer, mais le morceau qui subsiste finit toujours par s’échapper pour retrouver sa forme pleine..
.Voilà pourquoi on ne voit plus d’étoiles le jour, le Soleil a gobé les siennes et la Lune cache les siennes par peur de représailles
L’origine des éclipses.
Conte Birman
Une vieille veuve sur le point de mourir fit venir ses petits enfants à son chevet et leur dit :
Petits, je ne suis pas une riche grand mère, ma seule fortune c’est mon mortier et son pilon ; à toi l’aîné je lègue le mortier , au cadet le pilon.
Et elle mourut.
-Qu’ai-je à faire d’un mortier dit l’aîné ? Il le laissa et s’en fut dans un village voisin où il fit fortune en travaillant dur.
Le cadet quand à lui se dit :
-Ma grand mère ne m’aurait pas légué son pilon s’il n’avait pas quelque valeur pour moi.
Alors désormais où qu’il aille il emportait son pilon avec lui au grand amusement des gens.
Il gagnait sa vie en ramassant du bois mort pour le revendre.
Un jour qu’il vaquait à son ouvrage une grande serpente apparut.
Sa frayeur fut telle qu’il grimpa sur l’arbre le plus proche.
-N’aie pas peur lui dit la serpente , je ne te veux pas de mal, je veux seulement t’emprunter ton pilon.
-Mon pilon ? et pourquoi le veux –tu ?
-Mon mari vient juste de mourir, mais si j’approche de ses narines ton pilon magique il revivra.
-J’ignorais que mon pilon fût magique !
-Viens avec moi et tu verras
Et notre garçon suivit la serpente dans la forêt où ils trouvèrent un serpent mort. On plaça le pilon auprès des narines du serpent et aussitôt le serpent ressuscita.
La serpent expliqua alors/
- Le pouvoir du pilon réside dans son odeur. mais garde –toi bien de révéler ce secret sinon il perdrait son pouvoir.
Et s’en furent les deux serpents.
Le cadet revint au village . Sur son chemin il tomba sur le cadavre d’un chien en état de pourriture très avancée. Il plaça le pilon contre son museau. Aussitôt, le chien bondit , plus vif que mort !
Il devint le fidèle compagnon du jeune homme qui décida de le nommer Maître pourriture.
Le cadet devint alors un fameux médecin capable de rappeler les morts à la vie mais jamais personne ne soupçonna que ce pouvoir lui venait de son pilon.
Peu de temps après la fille du roi mourut. Notre héros fut appelé par le roi. Il ressuscita la princesse, et le roi plein de gratitude la lui donna en mariage. Il devint donc prince héritier mais n’en continua pas moins sa tâche de thaumaturge : redonner la vie aux morts.
Grâce à lui le royaume ne connaissait ni chagrins ni deuils, mais un pur bonheur !
C’est alors qu’il se dit :
Si mon pilon peut vaincre la mort, il doit aussi pouvoir vaincre la vieillesse.
Alors chaque jour il approchait le pilon de ses narines ainsi que de celles de la princesse. Elle fut bien un peu surprise mais son époux était un original alors !
Quelques mois plus tard le cadet s’aperçut que ni lui ni la princesse n’avaient vieilli.
Il venait de découvrir le secret de la jeunesse éternelle !.
..
Mais une qui était jalouse c’était la lune en voyant que deux simples mortels puissent être éternellement aussi jeunes qu’elle !
Même le soleil vieillit : vous ne voyez pas comme chaque soir il devient tout rouge et affreux ?
Alors la lune qui savait tout n’eut plus qu’une chose en tête : dérober le pilon magique !
Or il advint qu’un jour, en raison de l’humidité, le pilon se couvrit de moisissure. Le prince alors le mit au soleil pour le faire sécher, restant à côté pour le surveiller.
- Mon Seigneur, il n’est pas convenable, pour un prince héritier de rester à surveiller un vieux pilon qui sèche au soleil alors que deux soldats pourraient le faire !
Elle insista tellement que le prince consentit à le laisser à la garde de son fidèle chien Maître pourriture.
Le chien s’acquitta de sa tâche. Mais la lune pensa que c’était là l’occasion qu’elle attendait ! Elle s’approcha en plein jour- tout le monde sait que la lune est invisible en plein jour ! Le chien la sentit bien, mais ne la vit pas. Alors la lune vola le pilon et s’enfuit avec.
Le chien se mit à sa poursuite, guidé par l’odeur du pilon qui était plus puissante que celle de la lune.
Désormais depuis ce jour le chien continue à poursuivre la lune, en la voyant la nuit, et guidé par son flair le jour, et comme il respire sans cesse l’odeur du pilon il est devenu immortel. Parfois il attrape la lune dans sa gueule et essaie de l’avaler. Mais la lune est bien trop grosse pour sa gorge si bien que malgré tous ses efforts il est obligé à la fin de la recracher. Et la poursuite recommence et ainsi de suite !
C’est pour cela qu’en Birmanie, quand une éclipse de lune se produit, les birmans disent :
- La lune a été attrapée par Maître pourriture !
et quand l’éclipse est terminée
Maître pourriture l’a recrachée !
Les facéties de dame Lune. Contes Languedociens
Mais parfois c’est la lune elle-même qui attise les convoitises comme ce fut le cas à Lunel.
Janet lo pesca luna
Lunel est une petite ville de l’Hérault entourée d’étangs. Qui dit étangs, dit pêche et les lunellois s’étaient fait une renommée de pêcheurs d’anguilles. Ils en ramenaient dans leurs nasses beaucoup plus que les autres pêcheurs des étangs voisins à tel point que tout le monde pensaient qu’ils avaient des paniers magiques qu’il leur suffisait de poser sur le fond sableux de l’étang pour que les anguilles, ensorcelées, viennent s’y nicher dedans. De plus si on ne les voyait jamais partir à la pêche aux anguilles, les étals du marché regorgeaient certains jours du fruit très prisé de leur capture !
- Vos disi qu’es lo diable que les fa pescar aital ! disaient les envieux.
je vous dit que c'est le diable qui leur donne aussi bonne pêche
La raison de leur pêche miraculeuse était beaucoup plus simple et venait de leur sens de l’observation.
En effet ils s’étaient rendu compte que ce poisson mordait bien mieux aux appâts les soir où la lune était absente du ciel. Ils pêchaient donc à nuit noire, certains que personne ne découvrirait leur secret.
A cette époque rares étaient ceux qui osaient s’aventurer dehors les nuits sans lune ! Il se racontait tellement de choses sur les êtres maléfiques qui peuplaient la nuit !
Toutefois il se murmura que les nuits, et surtout celles ensorceleuses de pleine lune n’étaient pas étrangères à leur bonne fortune.
Ce qui fit que Janet un pauvre pêcheur de l’étang voisin, décida de tenter sa chance et d’aller à la pêche aux anguilles une nuit où la lune était pleine.
Il prit une vieille nasse au fond de sa cahute, sa barque plate et sans bruit glissa au milieu de l’étang.
Là il laissa couler sa nasse sur le fond sableux. Il attendit un moment guettant aux alentours que personne ne l’aperçoive.
On ne pêche pas sur les étangs d’autrui !
Et quand il voulut remonter sa nasse la lune toute ronde y était prise dedans.
Ca alors se dit-il, ça doit valoir encore plus que des anguilles, en en vendant un petit bout par jour j’en aurai pour vivre tranquille jusqu’à la fin de mes jours. C’est dit je la ramène à la maison ! Couvrant la nasse d’une toile pour ne pas que la lune s’échappe il retourna chez lui.
Rentré chez lui, à sa mère qui lui demandait si la pêche avait enfin été bonne, il répondit :
- Si elle a été bonne ? Mère regardez, je vous rapporte la lune.
Et il découvrit la nasse. La lune n’y était plus.
- Tu l’auras perdue en route, maladroit comme tu es ! Tu n’auras qu’à y retourner demain !
C’est ce qu’il fit tant que la lune fut assez pleine.
A chaque fois de retour chez lui , la nasse était vide. Il eut beau réparer le trou au fond de la nasse, ficeler la toile qui la couvrait, faire brûler des cierges à la vierge, prendre toutes les précautions possibles cette lune qu’il attrapait si facilement sur l’étang, ne le suivit jamais à la maison. Il s’obstina toute sa vie en vain, y gagnant le surnom de pesca luna,.
Il y a très longtemps de cela, mais si vous vous promenez sur les étangs lunellois les nuits de pleine
il n’est pas impossible que vous l’aperceviez encore ce janet lo pescaïre que voulia agantar la lune
dins sa nassa !( Janet le pêcheur qui voulait prendre la lune dans sa nasse)
A Saint Maurice cela ne s’est pas tout à fait passé comme cela
Comment la lune vint à Saint Maurice.
Librement inspiré des frères Grimm
Jadis, il y a fort longtemps, le village de Saint Maurice ne connaissait que la nuit noire. Il n’y avait aucune étoile dans le ciel et encore moins de lune. Et lorsque le soleil se couchait c’était comme si on avait recouvert le village d’un épais drap noir. On n’y voyait absolument rien, si bien qu’une fois le soleil disparu les gens se terraient à l’intérieur de leurs maisons jusqu’au lever du jour.
Un jour quatre jeunes gens du pays en eurent assez de cette vie et partirent pour découvrir le monde.
Leur voyage les amena au bout d’une semaine, à la tombée de la nuit dans un village inconnu d’eux ; et là quelle ne fut pas leur surprise de voir le village éclairé par une douce clarté qui permettait non d’y voir comme en plein jour mais de se déplacer sans se cogner partout.
La clarté provenait du sommet de l’orme de la place.
- Qu’est ce donc que cela demanda le premier à un paysan qui passait par là avec sa charrette ?
- Ca, c’est la lune lui fut-il répondu. Notre maire l’a achetée, l’a mise au sommet de l’arbre et l’entretient minutieusement afin qu’elle brille et éclaire nos nuits ; nous lui donnons un louis chacun pour ce travail : entretenir la mèche faire briller le disque et garnir le réservoir d’huile.
- Quelle merveille dit le second et comme ce serait bien d’en avoir une nous aussi à St maurice !
- Nous n’avons qu’à la prendre, dit le troisième, ils ont l’air riche ici, ils s’en achèteront une autre.
- Je sais grimper aux arbres et peux aller la décrocher reprit le second
- Et moi je m’occupe de trouver un cheval et une voiture pour la transporter ajouta le quatrième.
- Qu’il en soit ainsi conclut le premier.
Ils profitèrent alors de la seconde partie de la nuit, certains que tout le monde dormait pour commettre leur larcin.
Le second grimpa à l’arbre, fit un trou dans le disque, y passa une corde faisant ainsi glisser la lune jusqu’au troisième qui la reçut et la plaça dans la charrette que le quatrième était allé chercher, pendant que le premier faisait le guet. Prenant soin de recouvrir la lune d’une étoffe afin de masquer sa clarté ils prirent le chemin de retour sans être aucunement inquiété.
Arrivé chez eux ils accrochèrent la lune au sommet du grand ormeau de la place.
A partir de ce jour les nuits à Saint Maurice furent éclairées d’une douce clarté qui permettait aux gens de sortir et de bavarder sur la place voire de prolonger certains travaux diurnes. On vit même dans les champs, baignés de la douce lumière danser lapins fées et farfadets !
Nos quatre compagnons s’étaient vus confier par monsieur le Maire le soin d’entretenir la lune municipale et percevait chacun un écu pour le faire.
Du temps passa sans que personne ne vînt à se demander comment cette lune avait atterri au sommet de l’ormeau, ni sans que quiconque ne vienne la réclamer.
Nos quatre compagnons vieillirent.
Le premier sentant sa fin proche, de manda à monsieur le Maire, qu’un quart de la lune le suive dans sa tombe. Ce qui fut fait.
Trois quart de lune suffisait à éclairer le village !
Mais chacun des autres compagnons eut la même exigence ce qui fait qu’à la mort du quatrième le village se retrouva à nouveau plongé dans l’obscurité la plus totale dès le soleil couché !
On ne pouvait sortir sans se heurter, et bien vite les habitants se retrouvèrent cloîtrés chez eux dès la nuit tombée.
Mais sous terre..
.
Quand nos quatre compagnons furent en terre les quatre quarts de lune se rejoignirent pour ne faire qu’une lune qui se mit à émettre sa douce clarté.
Cela réveilla les morts d’autant qu’habitués à l’obscurité cette douce lumière leur était plus que suffisante !
Alors il se mirent à faire la fête, à chanter, crier, boire et se disputer.
Ils firent un tel chahut que le vacarme parvint aux oreilles de Saint Pierre.
Ce dernier entrouvrit la porte du paradis et le spectacle qu’il vit lui fit dresser les cheveux sur la tête, on aurait cru que s’étaient ouvertes les portes de l’enfer. Tous les trépassés braillant chantant et se disputant à qui mieux mieux et cela dans une clarté blafarde !
Alors il tonna et à la tête de son escouade céleste il renferma les trépassés à l’intérieur de leurs tombes afin qu’ils y attendent sagement le jugement dernier.
Quand à la lune, il s’en saisit et l’accrocha dans le ciel afin qu’elle ne brille désormais que pour les vivants !
Si la lune sait être facétieuse, la pleine lune n’est pas avare de sortilèges et gare à celui qui en fera les frais
Les sortilèges de la lune Contes régionaux
Les lavandières de la pleine lune.
Conte breton
Peut-être avez vous déjà entendu des bruits sourds, près des ruisseaux, la nuit. Comme des coups de battoir sur le linge. Alors, passez votre chemin bonnes gens, et ne cherchez pas à savoir d’où vient ce bruit: se sont les lavandières des nuits de pleine lune.
Guillo, c’est le bon à rien du village, paresseux du soir au matin. Il ne sait que boire, boire et chanter après avoir bu. Tout le monde le connaît à Tréhorenteuc.
Ce soir là, Guillo a le vent en poupe. Il a passé toute la soirée au café du village et le voilà qui rentre chez lui, sous la pleine lune, en chantant à tue-tête. La nuit est trop douce pour prendre le raccourci par les prés, aussi prend-Il la route qui monte vers Trébottu.
Lorsqu’il arrive au petit pont sur le Rauco -le ruisseau qui descend le Val sans Retour- Guillo entend des bruits sourds, des battements, à sa gauche, près du moulin en ruine. Intrigué, il quitte la route et longe le ruisseau pendant un bon moment. Il se heurte sur les souches, il trébuche sur les pierres, et il patauge dans la boue.
C’est là qu’il aperçoit deux femmes, vêtues de blanc, à genoux au bord du ruisseau. Elles lavent un grand drap et le frappent de leur battoir.
Guillo, malgré l’ivresse, n’en croit pas ses yeux: est-ce une heure pour laver du linge en pleine forêt? Peu importe, il fait demi-tour, mais alors qu’il repart, le voilà qui trébuche sur une grosse pierre et tombe dans le ruisseau. Les deux lavandières sursautent et se tournent vers lui.
Mon Dieu, quels visages ! La lumière blafarde de la lune éclaire ces visages sans vie, aux traits durs et profonds; leurs yeux sont noirs et vides. Guillo, terrifié, bondit hors de l’eau, mais il n’a pas le temps de fuir que l’une des femme lui crie:
- Approche ! Viens nous aider.
L’homme, comme pétrifié, s’approche des lavandières en titubant. Impossible de fuir, la voix l’attire comme une guêpe sur une tartine de miel.
Les femmes lui tendent alors le drap qu’elles ont lavé et qui ruisselle d’eau.
- Eh bien! dit l’une d’elles, qu’attends-tu ? Aide nous à tordre ce drap.
Sans réfléchir, embrumé par les vapeurs d’alcool, Guillo saisit l’extremité du drap. A l’autre bout, les lavandières tordent le linge, mais lui ne bouge pas. Avec peine, il parvient quand même à dire ~
- Mais qui êtes-vous ? Et pourquoi lavez-vous ce drap en pleine nuit?
- Nous lavons le linceul d’un homme qui doit mourir si nous ne le faisons pas, le pauvre n’aura même pas un linceul pour son dernier voyage cette nuit.
Sur le coup, Guillo prend ça pour une plaisanterie et le voilà qui éclate de rire. Il est maintenant de tellement bonne humeur, qu’il se met à tordre le drap de son côté. Et il tord le drap en le tournant de gauche à droite.
- Malheur! s’écrie l’une des femmes. Il a tordu le drap dans le sens maléfique
- Malheur! Malheur! répéte l’autre.
Ces cris résonnent dans les arbres, réveillant tous les animaux de la forêt.
Quand Guillo s’est un peu remis de sa frayeur, les lavandières ont disparu. Il s’imagine avoir rêvé, surtout avec tout ce qu’il a bu. Mais c’est alors qu’il sent l’humidité du drap qu’il porte encore sur son bras.
Tout à fait dégrisé, Guillo n’a plus qu’une pensée : courir jusqu’à chez lui, sans se retourner.
Mais il n’a pas le temps de faire trois pas qu’il entend un énorme grincement. C’est le grincement des roues d’une charrette qui n’ont pas été graissées depuis des années.
Incapable de faire le moindre geste, Guillo attend, l’oreille tendue.
Mais d’où vient cette charrette? Il n’y a pas de chemin forestier par ici.
Cependant l’attelage s’approche, et en plus du grincement des roues, il peut maintenant entendre le claquement de sabots sur le sol, et les branches qui se brisent sur le passage du cheval et de la carriole.
La charrette vient s’arrêter au bord de l’eau. Le cheval se penche pour se désaltérer. C’est alors qu’un personnage vêtu de noir s’approche de Guillo, un fouet à la main:
- Holà l’homme ! crie-t-il. Je cherche un nommé Guillo, est-ce que tu l’aurais vu par hasard?
Guillo ne répond pas. Ses dents claquent, ses mains tremblent, il a l’impression que sa tête va exploser. Le mystérieux personnage tourne autour de lui et dit d’une voix rauque:
- Mais je ne me trompe pas ! Tu portes ton linceul sur le bras. C’est donc toi Guillo! Guillo de Trehoranteuc.
C’est alors que la lune éclaire le visage de cet étrange personnage. Guillo, avec une indicible horreur, voit ce visage et le reconnaît : c’ est l’Ankou, le Serviteur de la Mort. Alors, ne pouvant supporter cette vision, Guillo tombe à genoux sur le sol.
On raconte qu’à ce moment il y eut un ricannement qui se prolongea dans les arbres et sur la lande. Puis un grand bruit de branches brisées.
On raconte que le cheval hennit trois fois et que la charrette s’évanouit dans la nuit.
On raconte que personne n’a revu Guillo, Guillo de Tréboranteuc, depuis cette nuit-là.
D’après les Contes populaires de toutes les Bretagne deJ. Markale. Ed. Ouest -F rance
Renaud Renard.
Conte lorrain
En haut de la colline, à Morlange, le comte Renaud avait dressé son château. Morlange la bien nommée : il serait mort l’ange gardien de Renaud. mort de peine et de honte — si les anges pouvaient mourir— tant l’âme du comte était noire.
Au pied de la colline le village se terrait. Quand leur seigneur passait, les manants se cachaient. Ce n’était alentour que terres dévastées, arbres calcinés, bêtes mortes, la forêt muette. Seuls osaient s’y glisser, dans la brume, les loups
Déjà, le jour de sa naissance, Renaud faisait souffrir les femmes. Il était velu, couvert de poils roux, il braillait, Il se précipita avec une telle voracité sur le sein de sa nourrice qu’il fit jaillir, avec le lait, du sang.
Sa mère détourna la tête pour pleurer.
Son père était content:
- Ce sera un gaillard, déclara-t-il.
Gaillard il l‘était, le comte Renaud, le premier à la guerre, à la chasse, à l’amour. Ne connaissant ni pitié, ni peur. N’aimant que bataille et ripaille. A son approche, les filles et les biches fuyaient au creux des bois.
Quant à sa femme, la pauvrette, elle ployait devant son seigneur comme en avril l’aubépine devant la bourrasque. Son beau visage se couvrait de pleurs quand elle découvrait les malheurs provoqués par son mari, le maudit rouquin.
L’ermite qui vivait retiré dans une grotte, non loin de là, souffrait, lui aussi, d’un tel voisinage. Ses prières étaient sans cesse troublées par les plaintes des malheureux, les galopades des bêtes poursuivies. Il monta au château. On le jeta dehors. Il revint. A force de persévérance, avec l’aide de Dieu et de dame Mahaut, il réussit à rencontrer Renaud, lui fit honte de sa conduite, le menaça de la colère du ciel. Renaud se mit à rire:
- Saint homme, je ne connais de ciel que cette toile bleue au-dessus de ma tête, percée d’étoiles, vide de dieux ! Je ne connais d’enfer que celui de mon gosier tenaillé par la soif! Tu parles trop. Va-t’en, vieux radoteur, va ou je lâche mes
chiens!
- Maudit sois-tu Renaud, s’écria l’ermite. Que le ciel et l’enfer m’entendent! Qu’ils changent une lettre de ton nom , et de chasseur tu deviendras chassé, à chaque pleine lune. Ainsi soit-il.
Sur ces paroles, l’ermite disparut.
Mais Renaud se souciait peu de ses menaces et continua de mener la même vie.
Vint la nuit où une lune parfaitement ronde resplendit au-dessus des bois. Renaud se tournait, se retournait dans son lit, sans trouver le sommeil. Il finit par se lever, quitter sa chambre, le château, avancer dans ta forêt silencieuse, avancer toujours, poussé par une force inexplicable. Finalement, il arriva dans une clairière et, sans savoir ce qu’il faisait, il retira ses vêtements. Alors, son être rapetissa, se couvrit de poils, se glissa dans les fourrés. Il galopa longtemps sur la trace d’odeurs savoureuses, inconnues de lui jusqu’alors.
La nuit se passa en courses effrénées, en poursuites. Quand, à l’issue d’un long combat, il enfonça ses crocs dans la chair d’une fouine, il glapit de bonheur. A l’aube, ayant revêtu ses habits, il rentra épuisé, meurtri, repu, ravi. Il sombra dans le sommeil.
Il mena cette double vie pendant un an, renard les nuits de pleine lune, Renaud le reste du temps. Toujours aussi méchant. Contrairement à ce que pensait l’ermite, le fait de connaître les ruses du gibier le rendait chasseur redoutable. Il s’adonnait encore plus à son goût du pillage et du meurtre, devenu tout entier bête fauve. Il alla même jusqu’à massacrer les propres poules de son poulailler, s’étant introduit nuitamment dans son château, pourtant bien gardé. Furieux le lendemain quand il apprit ce bel exploit, mais penaud : après tout, le renard, c’était lui.
Une autre fois, il faillit se laisser prendre dans un piège pour y échapper, il s’arracha un morceau de chair.
- Où vous êtes-vous blessé de la sorte, monseigneur? lui demanda sa femme.
Elle avait remarqué ses disparitions nocturnes, elle voulut en avoir le coeur net. Une nuit, elle le suivit, se faufilant sous le couvert des arbres. Elle avait peur mais avançait pourtant. La lune était si claire qu’on y voyait comme en plein jour: heureusement Renaud ne se retourna pas. Quand transformé en renard, il disparut sous les taillis, elle se souvint des paroles de l’ermite. Elle s’empara des vêtements du comte et rentra au château. Renaud était pris. Impossible sans ses habits de retrouver sa peau d’homme. Il devenait renard à jamais.
Alors la malédiction s’accomplit. Renaud-Renard, au fil des mois, connut la peur, la faim, le froid. L’hiver fut terrible. Il eut les pattes meurtries par le sol glacé, la langue lui pela à force de laper l’eau gelée des mares. La moindre pitance, il devait la disputer aux loups. Il comprenait à présent le sens du regard affamé, terrible, que, dans son autre vie, lui jetaient les paysans.
Les paysans, eux, étaient soulagés par la disparition du comte. Malgré l’hiver, grâce aux bons soins de dame Mahaut, ils se reprenaient à espérer, à travailler, à vivre. Quand l’âpre saison s’éloigna, jeunes gens et fillettes purent enfin chanter, former des rondes, planter le mai, ou simplement s’attarder au seuil de leur maison.
Dame Mahaut, dans ses habits de deuil, du haut de sa fenêtre, regardait les manants s’ébattre, les prés reverdir. Elle souriait. Il lui semblait bien, parfois, à la lisière du bois, apercevoir un renard qui guettait. Elle fronçait le sourcil. Dès qu’il s’éloignait, elle se remettait à sourire. Personne ne regrettait Renaud.
Avec le renouveau, l’air se chargeait d’odeurs de sève, la campagne regorgeait de toutes sortes de nourritures. Quel festin pour les animaux des forêts! Pourtant Renaud-Renard n’y prenait plus le même plaisir. Il avait gardé sa mémoire d’homme. Il savait que des pièges s’ouvraient devant les poulaillers, il savait que l’hiver reviendrait.
Un beau matin d’automne, au-dessus de l’herbe blanchie par le gel, le soleil commençait à dorer les feuilles. Renard regagnait tranquillement son terrier. Soudain la forêt retentit de galopades, d’appels, d’abois sauvages. Renaud reconnut les bruits de la chasse. Son coeur bondit, malgré lui ses pattes l’entraînèrent, et il fuit.
Il fuit. Lui qui n’était jamais las de poursuivre, il connut l’horreur d’être poursuivi, l’affolement au hasard des sentiers, la terreur suprême à l’assaut de la meute. Il se rappela comme il aimait enfoncer son poignard dans la gorge de l’animal. L’animal c’était lui!
Au moment où les chiens allaient l’atteindre, dans un dernier effort, il se retourna pour affronter l’homme qui menait la chasse, le plus noble des seigneurs. C’était le duc de Lorraine, son suzerain légitime ! D’un bond, Renard franchit la muraille hurlante des chiens, se roula à ses pieds, lécha ses bottes, s’y agrippa, se livrant â mille bouffonnes cabrioles.
- Vous avez vu ce renard, s’exclama le duc amusé. On le dirait apprivoisé. Tenez vos chiens. Je veux l’emmener à la cour.
Renaud-Renard avait la vie sauve. Mais à quel prix!
Bête de cour, gavé de mangeaille, un grelot attaché au cou, il avait l’air d’un vieux chat. Sa seule liberté c’était d’inventer des pitreries. Il n’aurait pas même été capable de s’enfuir.
Arriva le jour où le duc de Lorraine donna une grande fête en son palais. Bien installé sur son coussin, à portée de la main de son maître, Renard somnolait. Devant eux défilait toute la noblesse.
Un couple s’avança, précédé par une rumeur flatteuse. Qu’il semblait fier, le jeune homme, son manteau crânement rejeté sur l’épaule, et comme la dame était gracieuse en s’inclinant pour la révérence ! Renaud-Renard entrouvrit un oeil,
La brume qui remplissait son esprit se déchira. Il reconnut, penché sur lui, le visage de son épouse. Allait-elle, elle aussi, comme tous les courtisans, avancer la main pour caresser son poil roux? 11 1e redoutait autant qu’il l’espérait.
Mais dame Mahaut s’éloigna, n’ayant d’yeux que pour son nouveau compagnon. La jalousie, la détresse mordirent le coeur de Renaud. Quoi ... Ce godelureau lui avait pris sa femme, portait ses propres vêtements ; il les reconnaissait ceux-là même qu’on lui avait volés, la nuit où il était devenu renard à jamais.
Renaud-Renard sauta de son coussin, brisant sa chaîne d’or, et s’élança sur le couple. Il avait retrouvé l’usage de ses griffes, de ses crocs. S’il épargna sa femme, il se jeta aux jambes, au visage du jeune homme, tira sur son pourpoint, arracha sa pelisse. Il se roula dedans. Aussitôt il redevint homme.
Quel affolement, quelle surprise à la cour de Lorraine!
Dame Mahaut s’évanouit. Le beau seigneur, honteux, s’enfuit dans son château. Le duc exigea que Renaud rentrât dans tous ses droits.
Des chroniqueurs affirment que le comte alors retrouva ses terres, ses sujets, sa femme et qu’ils eurent beaucoup d’enfants. Je n ‘en crois rien. Pour moi, voilà comment le conte finit.
Renaud avait déjà l’expérience de deux vies, celle d’un homme, celle d’un animal. Il avait compris bien des choses. Sa colère apaisée, il abandonna à dame Mahaut tous ses biens, la laissant libre d’en faire l’usage qu’elle souhaitait. Quant à lui, il se retira dans la grotte où avait vécu, où était mort le vieil ermite.
Il y vécut sainement, tâchant de réparer le mal qu’il avait fait.
Quand il allait au village, les manants lui jetaient les restes de leur repas. Il leur donnait sa bénédiction. L’hiver venu, quand l’eau gelait au creux des mares, il partageait le peu de nourriture qu’il avait avec les animaux sauvages.
On dit qu’il les soignait quand ils étaient blessés. On dit qu’il pouvait leur parler,
qu ‘il savait les apprivoiser. On dit même que, partout où il allait, un renard — qu’il traitait comme
un ami — un renard le suivait.
Quelques maximes sur la lune.
Qui est plus utile ? Le soleil ou la lune ?
La lune, bien entendu, elle brille quand il fait noir, alors que le soleil brille uniquement quand il fait clair.
Si tu es le préféré de la lune que t’importe les étoiles
Je souhaite que cette soirée consacrée à Madame la Lune vous ait fait voyager au delà de l'Ether, vers notre satellite, parmi les étoiles qui illuminent si bien nos nuits sur le Causse, et qui sait même, plus loin encore, parmi les galaxies innombrables de l'univers.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
Clic clac los contes per hùei son acabats.
Michèle Puel Benoit