Parmi eux se trouvait Ramon, qui, peut être bien parce qu’il était plus gourmand que les autres, ou bien parce qu’il ne supportait pas l’injustice, ou encore parce qu’il était un petit futé, se mit en tête de goûter un jour à ce fruit défendu. Et pour ce faire, il ne choisit pas la voie de la facilité.
En effet, il aurait pu aller délester l’arbre de ses fruits, la nuit, quand le vieil Anselme dormait, mais il tenait à ce que tout le monde lui reconnaisse le droit de manger à satiété les goûteux jujubes ! De plus il possédait la patience que donne l’entêtement : il n’était pas pressé !
Ramon n’était pas fils de propriétaire ; son père, simple journalier, était mort jeune, et sa mère pour les faire vivre, son frère et lui, faisait le ménage, chez le vieil Anselme, justement.
Aussi, connaissait-il par cœur toutes les terres de la commune, de la Montagnette aux Rompudes, pour les avoir parcourues à la recherche de salades de campagne à cueillir, de sarments à ramasser, de champs à glaner, de vignes à grappiller, et ce, en toute légalité ; car chez lui on ne volait ni ne quémandait : on avait sa fierté !
Donc, un matin frisquet de décembre, qu’il était allé ramasser des poireaux de campagne, sa quête le poussa jusqu’au pied du tertre sur lequel trônait le jujubier. En effet, il savait la vigne qui jouxtait la propriété d’Anselme regorgeant de poireaux, et cette cueillette là, personne n’avait le droit de l’interdire : les vignes et les champs, en hiver, étaient à tout le monde, et le pâtre y menait paître le troupeau, afin qu’il les débarrasse des mauvaises herbes.
Bien entendu l’arbre était alors dépouillé de ses fruits.
Or, tandis que l’enfant s’acharnait à déterrer un énorme poireau qui avait poussé à l’ombre d’un roncier, en profitant d’une certaine humidité, son regard fut attiré par, oui, il ne rêvait pas, des jujubes, là, au beau milieu des ronces !

Certes, les fruits étaient trop ridés pour être consommables, et pourtant l’enfant laissa éclater sa joie.
En effet chaque début d’hiver, lorsque Anselme avait vendu sa récolte et cessé la surveillance, Ramon fouillait les alentours du tertre à la recherche d’un fruit échappé à l’œil vigilant du vieillard. Jusqu’à présent il avait été bredouille. Seulement, et ce qu’ignorait Ramon, c’était que cette année là, en voulant cueillir les fruits tout au bout d’un long rameau, Anselme s’était fortement piqué à ses épines, laissant échapper du mouchoir où il les tenait serrés, des jujubes. Bien sûr, il avait ratissé tout autour, mais le roncier bien touffu avait soustrait à son regard quelques fruits, ceux là même, que l’enfant venait de découvrir.
***
Ce dernier n’en revenait pas de sa trouvaille, c’étaient bien huit jujubes qu’il tenait dans ses deux mains en creux. Sortant son mouchoir, il y plaça sa précieuse découverte, noua les coins deux à deux puis enfouit son trésor tout au fond de sa poche. Ensuite, comme si de rien n’était, il retourna à son ouvrage.
Il ne rentra chez lui qu’à la nuit tombée, s’étant contenté pour le repas de midi, d’un morceau de pain de quelques olives ainsi que d’un bout de fromage.
Sa mère le félicita pour la grosseur de la botte de poireaux cueillis et elle s’empressa de les nettoyer et de les mettre à cuire avec un bon morceau de chair salée et des pommes de terre, ce qui constituerait la soupe du soir.
Pendant que cuisait la soupe, Ramon s’en vint à la remise. Là, il farfouilla sur l’établi de son père à la recherche d’une boîte en fer vide dans laquelle il enferma son trésor.
Puis il s’en retourna dans la cuisine pour repasser ses leçons du lendemain, car on était jeudi.
Ce ne fut donc que le dimanche après midi qu’il revint à la Montagnette sur le tertre du jujubier. Cette fois-ci, il s’était muni d’un sac de jute qui avait jadis contenu des pommes de terre. A l’aide de la pioche qu’il avait emportée, il creusa les flancs du tertre et recueillit dans le sac, la terre ; puis, pliant sous sa lourde charge, rentra chez lui.
Comme toutes les maisons de vignerons des villages des basses terres, le rez de chaussée était occupé par un magasin qui comportait dans le fond la stalle où l’on gardait le cheval. L’endroit, depuis la mort du père, était bien entendu inoccupé, mais possédait encore, outre le râtelier et la profonde mangeoire, un fenestron laissant entrer le soleil aux bonnes heures de la journée.
Ramon, versa la terre du sac dans la mangeoire, prenant bien soin d’en prélever le moindre caillou, puis il y ajouta le fumier qu’il avait ramassé dans la rue après le passage des chevaux et du troupeau, et mélangea consciencieusement le tout. Alors, veillant à ce que personne ne le voit, il alla dans la remise chercher son précieux trésor. Puis, il enfonça dans la terre souple, à distance régulière les huit jujubes prélevés dans la boîte. Enfin, il arrosa délicatement après avoir bien tassé la terre.
***
L’hiver cette année là ne fut pas trop rude ; on vit même les amandiers fleurir avant la fin janvier, le soleil les faisant bénéficier de sa chaude présence.
Dans la mangeoire du cheval, la terre, que Ramon veillait à maintenir humide, profitant, à travers la lucarne, de l’ensoleillement, jouait en secret son rôle de germinatrice. Mars s’écoula, riant sous les averses ; avril vint à son tour, chargé d’installer le printemps.
***
Un matin, Ramon eut l’heureuse surprise de voir la terre se soulever par endroits ; le jour suivant, elle laissait paraître une mince tige recourbée qui, se redressant à son tour, exhiba bientôt à ses yeux ravis deux amorces de petites feuilles. Les noyaux des jujubes avaient éclaté pour donner naissance aux futurs porteurs des fruits tant convoités ! Ramon, ému aux larmes, riait et pleurait à la fois. Il avait réussi !
A partir de ce jour il occupa tous ses moments de liberté à veiller à ce que rien ne vienne entraver la croissance de ses protégés. Il arrachait les mauvaises herbes dès qu’elles pointaient du nez ; il faisait sans répit la chasse aux pucerons et autres insectes susceptibles d’altérer la bonne santé de ses plants ; bien entendu, il veillait à ce qu’ils aient suffisamment à boire, mais sans trop, afin d’éviter le pourrissement des racines.
L’été quand il s’aperçut que le soleil trop haut dans le ciel ne pénétrait plus par la lucarne, il capta à l’aide d’une vitre cassée ses rayons au lever et les renvoya dans la mangeoire afin que les arbrisseaux bénéficient de la meilleure lumière.
Vinrent les vendanges, et le village bourdonnant d’activité, et fleurant le moût, vit sa population active migrer vers les vignes. Les maisons ne conservant que les quelques ménagères nécessaires à la préparation du souper des vendangeurs. Seule l’école, devenue garderie, résonnait des cris des jeunes enfants. Car, dès qu’on estimait qu’il était capable de mener sa rangée, l’enfant du vigneron participait à la cueillette, afin de ramener à la maison une paye souvent très attendue.
Ramon fut donc très occupé au point de négliger sa visite quotidienne à la mangeoire ; en fait pour être plus exact s’il s’efforçait d’aller rendre visite aux plants afin de vérifier s’ils ne souffraient pas par manque d’eau, il n’avait plus le temps de les examiner, de leur parler, de les féliciter pour leur croissance. Et cela lui manquait beaucoup !
Si bien qu’après trois semaines de vendanges il lui sembla qu’ils avaient grandi au point de se sentir à l’étroit dans la mangeoire : en effet, les arbustes aux rameaux bien fournis mesuraient plus de cinquante centimètres. Il paraissait évident qu’ils ne pourraient y rester une autre année sans s’étioler. Il fallait les planter en terre franche, le problème étant de savoir où.
Ramon ne possédait ni jardin, ni champ, ni vigne où planter ses jujubiers ; de plus il désirait qu’ils soient accessibles à tous les enfants du village. Mais il avait beau se creuser la cervelle, il n’entrevoyait pas de solution au problème. Aussi, demeurait-il souvent pensif à l’écart des autres garçons de son âge, sans participer à leurs jeux.
***
Un jour donc, que ses pas l’avait conduit, comme à l’accoutumée, sur le chemin de la Montagnette, au pied du tertre sur lequel trônait le grand jujubier, et que, assis à même le sol, il était perdu dans ses pensées, il lui sembla qu’un vent léger s’était levé et faisait frémir les feuilles de l’arbre. Depuis le matin pourtant, le ciel était limpide et l’air immobile. Alors une voix murmurée et feutrée se fit entendre :
- Ah ! Te voilà, toi, enfin !
- Qui...........Qui c’est qui parle interrogea Ramon surpris ?
- Allez, ne fais pas le nigaud, tu sais bien qui te parle voyons !
- Non.. Non...Je vois personne s’écria le garçon en regardant autour de lui.
- Et si tu levais un peu la tête !
L’enfant s’exécuta et se mit à fouiller l’arbre du regard, à la recherche d’un hypothétique corbeau qui s’adresserait à lui, comme dans la Fable de La Fontaine.
Il n’y avait pas d’oiseau !
- Eh ? Où tu te caches ? Je te vois pas.
- Celle-là elle est forte ! Mon pauvre... ,il n’y a que moi ici !
- Que toi ? Qui, toi ?
- Moi, l’arbre, le jujubier pardi !
- Le... Tu rigoles, j’ai jamais vu d’arbre qui parle !
- Eh bé, maintenant tu en vois un !
Et Ramon, se retournant se mit à contempler l’arbre, bouche bée.
- Arrête de me regarder comme ça, qu’on dirait que tu vas gober des mouches ! Je n’ai pas beaucoup de temps pour te parler, parce qu’il va falloir que je m’endorme pour l’hiver. Alors voilà,... je voulais te remercier.
- Me remercier et pourquoi ?
- Pour ce que tu as fait.
- Et qu’est-ce que j’ai fait ?
- Allez, ne fais pas le modeste ! Tu crois que je ne t’ai pas vu ? Tu crois que je ne le sais pas, que tu as donné naissance à mon petit ?
- Mais...Mais...Je...
- Tu croyais que je ne m’étais aperçu de rien ? Mais mon pauvre, ça fait vingt ans que je l’attends ce moment.
Et le vieux jujubier raconta à Ramon quel avait été son calvaire.
Dès qu’il avait été en âge de se reproduire, l’arbre avait accompli au mieux sa tâche d’arbre fruitier : à savoir fleurir au printemps tardivement pour échapper aux gelées puis produire à l’automne ces fruits tant appréciés. Or, s’il avait été chagriné par l’avarice du vieil Anselme qui refusait le moindre jujube aux enfants, il voyait avec horreur venir la vieillesse sans avoir vu croître un seul rejeton né de ses noyaux ! Souvent, il avait espéré qu’un de ses fruits échappant à l’œil avide du vieil homme, pourrait tomber au sol, pourrir et puis germer, pour lui donner enfin ce fils tant attendu ; mais le vieillard vigilant et rapace cueillait le fruit à peine mûr sur ses rameaux et fouillait minutieusement le sol tout autour, de crainte qu’une drupe ne se soit échappée en roulant. En vain, il avait espéré en vain : chaque année apportait une déception nouvelle : il mourrait donc sans héritier.
Or, l’automne dernier il avait tenté le tout pour le tout : quand il avait vu le vieil Anselme grimper difficilement dans l’arbre, il ne se faisait pas jeune lui non plus, il avait mis à sa portée le rameau le plus fourni en épines, puis il s’était un peu secoué. Le vieillard, craignant de tomber, n’avait pas eu d’autre choix que celui de se rattraper à la branche épineuse, se piquant ainsi fortement...
- La suite, tu la connais, des jujubes ont roulé dans le roncier. Je me suis donc remis à espérer, jusqu’au jour où tu les as découverts.
« Aie! Aie ! Il va me les manger », je me suis dit. Puis quand j’ai vu avec quel soin tu les pliais dans ton mouchoir, j’ai pensé que peut être tu voulais planter les noyaux, et ensuite, quand tu es revenu chercher la terre.... Allez, va, ne me fais pas languir plus longtemps, dis-moi comment il va ?
- Comment, ils vont ?
- Pas possible ! Il y en a deux ?
- Non, huit !
- Huit ! Sainte Mère de Dieu ! Tu dis bien huit ?
- Oui huit, et tous en parfaite santé !
- Huit pichons ! J’ai huit pichons ! Dis, raconte, raconte-moi tout !
Et Ramon fit au jujubier transis de joie, le récit de la miraculeuse naissance de ses petits.
- Oh, tu sais je te les ai bien soignés, mais maintenant j’ai un problème, car ils sont devenus trop grands pour la mangeoire et je sais pas où les replanter.
- Dis, j’ai une idée, et si tu les replantais tout autour de moi pour que je puisse les voir grandir et que je les protège de mon ombre !
- C’est ça ! Pour qu’Anselme se les accapare en disant qu’ils poussent chez lui !
- Tu as raison ! Je n’avais pas réfléchi ! Et si tu les mettais de part et d’autre du chemin communal, en bas, dans la côte de la Montagnette ? Il ne pourrait pas dire que c’est chez lui, et moi, je pourrais quand même les voir !
- J’y avais pensé ; seulement, tu vois, il faut en parler à Monsieur le Maire, et moi j’oserai jamais !
- Et pourquoi ?
- Je suis trop petit et trop pauvre, et puis il dira que je les ai volés.
- Si ce n’est que ça ! Le Maire moi je m’en charge. Toi, retourne auprès des pichons qu’ils doivent se languir.....
***
Maître Joachim, notaire de son état, ainsi que maire du village, avait l’habitude, tous les dimanches après midi, quand sa femme et sa belle sœur s’en allaient écouter vêpres, de parcourir les chemins de campagne pour une hygiénique promenade digestive qu’un embonpoint généreux nécessitait. Plus que n’importe quel autre c’était le chemin de la Montagnette qu’il préférait : l’air y était si pur ! Et puis, il savait que, même si la montée était un peu rude, on pouvait tout en haut se reposer à l’ombre du grand jujubier et jouir d’une vue superbe sur la plaine plantée de vignes. Car monsieur le Maire à ses moments perdus ne détestait pas taquiner la muse, et de toutes, l’automne était la saison qui l’inspirait le mieux. Comment d’ailleurs ne pas être ébloui par les vignes aux tons cramoisis mêlés de jaune, offrant au regard leurs rayons concentriques et diversement nuancés !
Ce jour là donc, Maître Joachim, appuyé contre le tronc du grand jujubier laissant aller sa pensée, s’était presque assoupi, au point qu’il lui sembla entendre une voix qui parlait dans sa tête :
- Alors Joachim, comme d’habitude tu n’as pas su résister à la bonne chère ! Aie, ce civet de lièvre ! Et ce Berlou qui l’accompagnait !Tu n’aurais pas du reprendre du st Honoré !
Puis la voix se fit plus maternelle :
- C’est ça, cale-toi bien contre mon tronc, profite bien de mon ombrage : C’est peut-être le dernier automne que je vois... Tu sursautes ? Tu me croyais immortel ? Eh bien non, je dois mourir comme tout le monde ; ...ça te fait de la peine ? ...Ce serait pas plutôt parce que tu ne pourras plus acheter des jujubes à ce vieux grigou d’Anselme ? ...Il aura fait des boutures ? ...Il t’en avait promis ? Et d’un, elles ont toutes raté, et de deux, jamais il ne t’en aurait donné ni même vendu une. Il était si fier de posséder le seul jujubier du village et même du canton !... Pourtant, il y a moyen d’arranger les choses.
Si je te disais que j’ai des petits prêts à être replantés, et que je sais même où les mettre, tu me la donnerais Monsieur le Maire la permission ? ...Tu dis oui tout de suite ! Mais attention, il y a une condition...Laquelle ? C’est qu’ils soient sur un terrain communal afin que tous les enfants du village puissent se régaler de leurs fruits ! D’accord ? D’accord !... Essaye un peu de rencontrer le petit Ramon, tu sais le fils de la veuve de Germain : je crois qu’il a une surprise pour toi.
Puis la voix se tut : maître Joachim s’étira :
- Drôle de rêve s’exclama-t-il ! J’ai cru que le jujubier me parlait ! ...Au Diable si je me souviens de ce qu’il a bien pu me dire !
Et il reprit le chemin du retour, fredonnant "Ramona" !
***
Quand il arriva au village, au lieu de rentrer directement chez lui par la rue Droite, ses pas le conduisirent sans qu’il s’en rendît compte, dans la rue Marceau, là où habitait Ramon. L’enfant était assis sur la pierre devant la porte. Quand il aperçut Monsieur le Maire, d’un pas décidé, venir vers lui, il se leva d’un bond, et devint tout pâle.
- Alors mon petit, ça va comme tu veux ? Puis sur le ton de la confidence : il paraît que tu aurais une surprise pour moi ?
- Je... je...
- N’aies pas peur va, je ne vais pas te manger !
Alors l’enfant ouvrant la porte du magasin fit signe à l’homme de le suivre tout au fond jusqu’à la stalle du cheval, puis d’un geste théâtral, il lui montra la mangeoire.
- C’est bien mon enfant ; tu fais des plantations ; Qu’est-ce que c’est ? Et il se rapprocha curieux :
- Non ! Ne me dis pas que ce sont des jujubiers !
- Si ! Et il y en a huit.
- Comment ? Tu as réussi à faire pousser des jujubiers, alors que personne dans le village n’y était arrivé ? Comment as-tu fait ?
- J’ai planté les jujubes en terre.
- Pas possible, Anselme t’en avait donné ?
- Non, elles avaient roulé dans un roncier et dans l’hiver, je les ai découverts, ajouta l’enfant en baissant les yeux et en rougissant.
- Tu as bien fait ; l’hiver la campagne est à tout le monde ! Et que comptes-tu faire de ces arbres ? Tu ne peux pas les laisser dans cette mangeoire !
- Je sais bien, mais j’ai pas où les mettre !
- Voyons, voyons ! Et si nous les plantions en terrain communal, sur le chemin de la Montagnette par exemple. Tous les enfants pourraient alors manger de leurs fruits .
- Ce serait pas une mauvaise idée, répondit Ramon .
- Je vais m’en occuper tout de suite.
- Mais Anselme, qu’est-ce qu’il va dire ?
- Ne t’inquiète pas pour lui, je m’en charge ! Il ferait beau voir qu’il revendique une propriété communale !
***
Ainsi fut fait.
Une douce après midi de décembre, aux alentours de Noël, tout le village, précédé par la fanfare, s’en fut planter les huit jujubiers sur le chemin de la Montagnette. Le garde champêtre avait fait les trous une semaine avant pour qu’ils s’aèrent. Ce furent les enfants qui mirent les arbres en terre. Monsieur le Maire fit un discours dans lequel il rappela que le conseil municipal avait décidé que ces jujubiers étaient la propriété de tous les enfants de la commune, et qu’ils avaient à charge de les entretenir, car plus ils seraient soignés, plus ils donneraient de fruits.
Les arbres grandirent, faisant l’admiration de leur père qui, parce qu’il était heureux, dura quelques années de plus. Puis, un matin de printemps, quand il vit la première floraison de ses fils, il sut que son heure touchait à sa fin : alors, sans rien dire, il s’endormit pour toujours.
Au même instant, le vieil Anselme rendait son âme à Dieu, ou peut-être bien au Diable ! Qui sait ?
Ramon, quant à lui, quelques années plus tard, et vu le soin avec lequel il avait entouré les jeunes arbres, obtint le poste de cantonnier chef municipal, mais pour tout le monde et pour toujours il garda le surnom dont on l’avait gratifié :
JUJUBE.
Clic clac mon conte es accavat
Michèle Puel Benoit
Pour Monet, Pitou