Il était une fois, une petite fille dans un joli pays de soleil.
C’était une adorable enfant, plutôt brune, avec de grands cheveux frisés qui lui faisaient comme une couronne de petites boucles autour du visage. Elle avait des yeux malicieux et possédait un sourire agrémenté de fossettes qui lui permettait d’obtenir presque tout ce qu’elle désirait.
Or, ce qu’elle désirait le plus au monde c’était de tourner, tourner, tourner en faisant virevolter ses jupes autour d’elle ; plus large était la jupe, plus grand était le plaisir d’en voir s’envoler les pans !
Elle possédait d’ailleurs une des collections les plus complètes au monde : elle contenait des jupes de tout coloris, de toute matière et de toute forme.
Il y en avait des rouges comme des coquelicots, des, bleu myosotis, des jaune safran ; mais aussi des orangés, des vertes, des pourpres et des violettes sans oublier celle qui avait la couleur indéfinissable des lagons des mers du sud.
Quant aux tissus, leur variété était infinie : soie, organdi, tulle, satin, mousselines, toutes matières les plus susceptibles de tournoyer et s’envoler de belle façon.
Des formes ? De quoi satisfaire tous les goûts : des froncées à la taille, sur les hanches, des plissées ; plis droits, plis couchés, et surtout des plissées soleil qui donnent à chaque pirouette cette légèreté extraordinaire ! Et des volants, des volants, des volants !
Il existait cependant un problème : tous les matins, quand il s’agissait de choisir laquelle revêtir pour aller à l’école, l’entreprise s’avérait des plus difficiles. Il était rare que la petite fille fût satisfaite. Tantôt la tenue n’allait pas avec la barrette placée dans les cheveux, tantôt une de ses camarades n’aimait pas cette couleur, tantôt la jupe ne tournait pas assez bien !
En fait, elle aurait bien voulu pouvoir les porter toutes !
Or un jour qu’elle se trouvait seule à la maison, l’idée suivante lui vint :
« Puisque toutes mes jupes savent tourner, si je les enfilais toutes, les unes pardessus les autres, je n’en tournerais que mieux ! »
Et la voilà dans sa chambre vidant les penderies. Bientôt, la pièce se révéla trop petite : il y avait tellement de jupes sur le carrelage qu’elle décida de tout transporter au jardin : sur la pelouse, pensait-elle, elle aurait plus d’espace pour virevolter !
Et l’habillage commença : elle opta tout d’abord pour les couleurs les plus foncées, les matières les plus lourdes : les bleus indigos, puis les pourpres et les violets ; les velours de satin puis les soies, les tulles, les organdis et les mousselines.
Quand elle eut revêtu la totalité de sa garde robe, la petite fille avait triplé de volume et ressemblait à une poupée russe bariolée !
Elle se prépara alors à effectuer la pirouette la plus rapide et la plus colorée qui eût jamais été faite !
Elle choisit l’endroit le plus dégagé, ferma les yeux, bascula sur le côté, et le talon solidement fiché dans le sol s’élança…..Mais rien ne se produisit. Elle fit une deuxième tentative : toujours rien ; une troisième : rien ! Quatre fois cinq six sept huit fois : rien, rien, rien, il ne se passait jamais rien !
Des larmes de dépit commençaient à envahir ses yeux, quand, tout à coup, il y eut comme un grand souffle de vent, une bourrasque non annoncée, qui s’engouffra sous les jupes de l’enfant et l’emporta dans les airs ! Et là, elle se mit à tournoyer, tournoyer, tournoyer : on aurait dit qu’un grand papillon aux ailes irisées venait de prendre son envol afin de faire miroiter au soleil ses mille couleurs chatoyantes !
Il jetait des reflets brillants de tous côtés en éblouissant de lumière les toits en terrasse des maisons !

Puis il prit de la vitesse, laissant derrière lui une longue traînée multicolore : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé et rouge qui s’arrondit et forma un magnifique arc-en-ciel !
Le vent s’apaisa aussi soudainement qu’il s’était levé, alors qu’un doux zéphyr venait délicatement déposer sur l’herbe la petite fille encore toute étourdie.
Elle n’avait plus sur elle que la jupe plissée bleue marine que l’école recommandait : toutes ses belles toilettes s’en étaient allées là-bas, dans le ciel, pour créer ce merveilleux spectacle que tout le monde depuis ne cesse d’admirer! L’ARC-EN-CIEL !
Elle fut bien un petit peu attristée d’avoir été ainsi dépouillée, mais à l’avenir elle se montra plus docile quand sa maman l’habillait le matin : elle craignait trop de revivre pareille mésaventure qui, à dire vrai, lui avait fait très peur !
Et puis, c’est tellement joli un arc-en-ciel !
Ps : Certains disent que l’arc-en-ciel serait l’écharpe que la déesse Iris aurait abandonnée dans le ciel, mais je sais bien moi que ce sont les jupes d’une petite fille trop coquette qui virevoltent ainsi et pour toujours au firmament.
Ecrit pour l’anniversaire de ma petite fille d’au-delà de la mer,
Michèle Puel Benoît